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RSE : Pour des entreprises plus responsables en RDC

1 octobre 2019

RSE : Pour des entreprises plus responsables en RDC

L’OIT définit la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) comme « un processus permanent d’amélioration dans le cadre duquel les entreprises intègrent de manière volontaire, systématique et cohérente des considérations d’ordre social, environnemental et économique dans la gestion globale de l’entreprise ; à cet égard la concertation avec les parties prenantes de l’entreprise fait partie intégrante du processus. »[1] C’est pour cette raison qu’en partenariat avec le CENADEP et avec l’appui de Wallonie Bruxelles International, un projet pour promouvoir la RSE dans les Petites et Moyennes Entreprises (PME) a été mis en place dans la ville de Lumumbashi, en RDC. De passage à Bruxelles, Frédérick Malu, du CENADEP, fait le point sur la situation actuelle et le projet mené avec Solsoc.

Frédérick, peux-tu nous faire un historique de la prise en compte de la RSE en RDC ?

En RDC, la promotion de la RSE a commencé en 2014 par la création d’une plateforme multiacteurs au Katanga. L’IDAK (Initiative pour les investissements durables au Katanga), qui regroupait les entreprises minières, les autorités politico-administratives et la société civile, avait pour objectif de favoriser les discussions sur les enjeux du secteur minier. Plus particulièrement, l’idée était d’aborder les questions de l'impact de l’exploitation minière sur les communautés. Un guide de la RSE a ensuite été élaboré par la Fédération des entreprises du Katanga. Ce guide a mis en avant la norme internationale ISO 26000[2] qui pose les bases de la RSE. Grâce à ces orientations et aux espaces de discussions créés, les entreprises ont commencé à s’interroger sur leurs responsabilités vis-à-vis de l’environnement et des communautés locales. Avec la pression et les actions de la société civile auprès des compagnies minières et du gouvernement, nous avons aujourd’hui un nouveau Code minier[3] qui a intégré la problématique de la RSE.

Pour quelle raison cette problématique a d’abord été prise en compte par le secteur minier?

La plupart des entreprises qui ont commencé à appliquer la RSE en RDC, étaient des compagnies minières à capitaux étrangers, venues soit des États-Unis, soit de l’Europe, parfois cotées en Bourse. Ces entreprises ont déjà des pratiques liées à la RSE dans leurs pays d’origine et respectent la norme ISO 26000. Au niveau international, il est aussi important de savoir que selon les Objectifs du Développement Durable (ODD), l’exploitation minière exerce une pression immense sur les ressources naturelles et nécessite beaucoup d’eau et d’énergie. Les compagnies minières générant énormément de bénéfices, il a été pertinent de se demander de quelle manière leur argent pouvait contribuer à l’atteinte des ODD.

En RDC, les entreprises d’exploitations minières ont commis de nombreux actes de violations des droits humains : l’eau et l’environnement ont été pollués, des communautés ont très souvent été chassées de leurs terres qu’elles cultivaient pour vivre. Toutes ces problématiques ont été portées par la société civile pour initier des actions et mener un plaidoyer contre les compagnies minières. Suite à ces actions, des observatoires RSE ont été créés, notamment dans les régions minières. L’Etat a également inscrit dans le Code minier que 0,3% des bénéfices réalisés dans une exploitation minière doivent servir à financer des projets de développement de la communauté impactée par les activités de l’entreprise. Les fonds récoltés auprès des entreprises minières sont gérés par un comité de gestion indépendant composé de leaders communautaires, de représentants de l’Etat et des entreprises pour en assurer le suivi.  Au final, le nouveau Code minier est d’une certaine façon un exemple de formalisation de la RSE en RDC.

Peux-tu nous parler du projet de promotion de la RSE auprès des Petites et Moyennes Entreprises ?

En dehors des grandes entreprises minières, il est important de souligner que d’autres entreprises moins importantes polluent aussi et ont des responsabilités vis-à-vis de certaines communautés. D’où le travail mené auprès des PME par le CENADEP en partenariat avec Solsoc. En RDC, les PME sont très nombreuses et la plupart ne connaissent pas la RSE. Nous avons beaucoup travaillé avec les entreprises du secteur informel qui des fois engagent des vingtaines de personnes, comme dans la restauration. On constate aussi beaucoup d’irrégularités notamment en matière de droit du travail : les salaires sont des fois négociées en fonction des relations personnelles, les contrats de travail et les congés sont inexistants et il n’y a pas d’espace de dialogue social permettant aux salariés de poser des problèmes à leur employeur. De plus, certains opérateurs économiques découragent les femmes de tomber enceintes en mettant en avant l’impact sur leur travail. En ce qui concerne les questions environnementales, nous avons remarqué des problèmes d’hygiène dans certaines PME informelles par exemple la pollution des eaux par des pressings et des maisons de nettoyage à sec. Face à ces comportements, nous avons essayé de créer une synergie entre les ONG et les délégués syndicaux de certains corps de métiers qui sont une porte d’entrée directe dans les PME. Nous avons diffusé beaucoup d’informations et de messages de sensibilisation via les radios communautaires en impliquant des comédiens, des artistes musiciens et des journalistes.

Quels ont été les obstacles à la mise en place de ce projet ?  

Des fois, les entreprises nous fermaient leurs portes ; elles avaient peur qu’on les dénonce à l’inspection du travail ou de voir les salariés se soulever. Il fallait qu’on les rencontre hors de l’entreprise et qu’on préserve leur anonymat. C’est de cette manière que nous avons pu avoir des informations.  Une autre difficulté est d’emmener les gens à intérioriser les pratiques RSE. Il faut faire une sensibilisation en continu, car les pratiques sont vite oubliées. Cela demande de faire régulièrement des ateliers et des actions de sensibilisation. De plus, certaines entreprises refusent de changer leurs pratiques à partir du moment où cela induit des dépenses pour améliorer les conditions de leurs travailleurs, par exemple en prenant en charge une partie de leurs frais de transport. 

Il faut aussi que la RSE soit bien comprise par les différents acteurs. En effet, lorsqu’une entreprise choisit de s’engager dans le processus de la RSE, elle pose des gestes pour contribuer au développement des communautés impactées par ses activités. Cela peut consister en la construction d’un dispensaire pour un village, un don de bancs pour une école.  Dans cette logique, il est important de ne pas confondre action de mécénat auprès des salariés et la RSE. La RSE doit participer au développement de toute la communauté impactée, pas uniquement les salariés de l’entreprise.

Comment vois-tu l’avenir de la RSE en RDC ?

Les PME ont encore du chemin à parcourir pour s’approprier la RSE. Il faut un travail sérieux de sensibilisation en continu. Si les personnes intériorisent toutes ces valeurs, ça sera une bonne chose pour l’humanité et elles contribueront d’une manière significative aux objectifs de développement durable.

Solsoc et ses partenaires de la RDC soutiennent le processus de la Responsabilité Sociétale des Entreprises en participant à la plateforme IDAK (Initiative pour les investissements durables au Katanga) et en y portant des revendications pour une meilleure prise en compte des droits des travailleur·euse·s.

 


[1]L’OIT et la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE)

[2] https://www.iso.org/fr/iso-26000-social-responsibility.html

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