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Interview : La sécurité de la société civile, un défi pour la gauche en Colombie

9 mars 2023

Interview : La sécurité de la société civile, un défi pour la gauche en Colombie

Tags : Droits humains | Colombie

Nely Osorno Ospina, présidente de l’Institut
Populaire de formation (IPC)

Dans le cadre du Solscoop thématique sur le shrinking space, nous nous sommes entretenus avec Luz Nely Osorno Ospina, présidente de l’Institut Populaire de formation (IPC). Basée en Colombie, son organisation lutte pour la défense des droits humains et accompagne les communautés paysannes dans leur quête de justice et de réparation.

Votre organisation constate-t-elle des contraintes qui pourraient être liées à un « rétrécissement de l’espace civique » dans son pays ?

Il est évident qu’en Colombie, travailler pour une organisation telle que la nôtre est quelque chose de risqué. La sécurité de nos employés et des personnes avec lesquelles nous travaillons est sans cesse menacée. Cependant, je ne parlerais pas d’une tendance au rétrécissement de l’espace civique. Depuis l’arrivée au pouvoir de Gustavo Petro en août 2022, c’est plutôt le contraire qui se produit, il y a de nouveaux espaces de dialogues qui se créent, du moins au niveau national. Le risque est que ce dialogue ne donne pas lieu à l’adoption de mesures concrètes sur le plan politique.

Pouvez-vous nous en dire davantage sur les raisons qui mènent à cette insécurité ?

Les causes sont davantage liées à la situation politique et sécuritaire du pays. Dans le cadre de notre travail, nous sommes amenés à travailler dans des territoires encore affectés par le conflit armé et où la topographie est complexe. Cela nous oblige à développer des protocoles de sécurité et engendre des coûts supplémentaires, mais surtout cela rend difficile le déplacement des représentant∙e∙s de communautés et de nos employés. Pour entrer dans certains territoires, les leaders ou communautés doivent demander la permission aux groupes armés et il∙elle∙s sont menacé∙e∙s s’il∙elle∙s se prononcent sur les questions liées aux droits humains, à l’environnement ou s’opposent aux mégaprojets industriels dont ils sont les premières victimes.

Mobilisation devant le parlement européen à Bruxelles, pour protester contre la répression du mouvement social en Colombie, le 6 mai 2021. © Solsoc 2021.

Votre travail est-il victime d’une campagne de dénigrement ?

Oui c’est certain, il y a une tentative constante de stigmatiser l’organisation en tant qu’organisation de guérilla. Notre travail de dénonciation résultant d’enquêtes sur la situation des droits de l’homme en Colombie a entrainé dans le passé des enlèvements, des attaques à l’explosif de notre organisation et le piratage de notre site internet.

Une autre stratégie utilisée est la judiciarisation. Cette pratique consiste à trouver un motif juridique pour rendre illégale notre activité, ce qui peut mener à l’arrestation ou l’emprisonnement de nos employé∙e∙s et collaborateur∙rice∙s comme ce fut le cas lors d’une procédure de réclamation de terre.

Y a-t-il d’autres difficultés de type bureaucratique ou de gestion quotidienne de votre organisation ?

Au niveau institutionnel, les principaux défis sont d’ordre financier. La règlementation nationale relative aux ONG est de plus en plus exigeante sur le plan fiscal, ce qui nécessite de nouvelles compétences et entraine un coût supplémentaire qui empiète sur le financement des activités du programme.

Il est également difficile de trouver de nouvelles sources de financements. La coopération à grande échelle s’appuie davantage sur les grandes ONG internationales, qui font office d’intermédiaires, que directement sur les structures locales.

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