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Pas de transition juste sans protection sociale
11 juillet 2025
Pas de transition juste sans protection sociale
Depuis la révolution industrielle, le recours massif aux combustibles fossiles a alimenté un développement économique sans précédent, au prix de lourds coûts sociaux et environnementaux menaçant aujourd’hui l’équilibre du climat et des sociétés. Pour éviter des conséquences irréversibles, il est urgent d’engager une transition vers un modèle durable qui limite le réchauffement climatique. Mais nous devons éviter que ce changement de cap ait un coût social. La protection sociale a pu prouver à maintes reprises que c’est un outil puissant pour permettre à chacun·e de s’adapter à des bouleversements.
Mutuelle de santé des caféiculteurs de Rutegama © Fabrice Mbonankira Solsoc 2025 (Burundi)
Des inégalités renforcées par le climat
Le changement climatique aggrave les injustices existantes. Les personnes déjà en situation de précarité — femmes, population rurale, travailleur·euse·s informel·le·s, personnes LGBTQIA+, personnes en situation de handicap — sont en première ligne face aux catastrophes environnementales. Leur accès aux soins de santé est limité, leur logement souvent plus vulnérable, leurs revenus insuffisants pour faire face aux chocs.
Caféicultrice, membre de la coopérative et mutuelle de santé de Rutegama. © Fabrice Mbonankira Solsoc 2025 (Burundi)
Transition juste : un concept venu des luttes syndicales
Née dans les années 1980 dans les mouvements syndicaux, la notion de transition juste désigne une transformation de notre modèle économique qui ne laisserait personne de côté. Elle reconnaît que certaines activités polluantes devront disparaître, mais exige en retour que des alternatives concrètes soient offertes aux travailleur·euse·s concerné·e·s.
Une transition juste implique donc un accompagnement social fort : reconversions, formation, emplois de qualité, mais aussi soins de santé accessibles, sécurité du revenu, sur fond de dialogue avec les groupes concernés. C’est là qu’intervient la protection sociale.
La protection sociale : un outil de résilience
La protection sociale – couverture santé, indemnités de chômage, retraite, allocation de congé maternité, etc.– est bien plus qu’un outil de redistribution. Elle est un mécanisme de résilience. En période de crise, elle permet d’amortir les chocs, de se reconstruire, d’avoir accès à la santé, de garder sa dignité. Dans le cadre de la transition écologique, elle devient un levier essentiel pour accompagner les transformations, éviter les ruptures sociales et réduire la pauvreté.
Pourtant, aujourd’hui, plus de la moitié de l’humanité vit sans aucune couverture sociale. Et quand elle existe, elle est souvent insuffisante ou menacée par des politiques d’austérité. Il est urgent de repenser ce système, de l’étendre, de le renforcer.
L’affiliation à une mutuelle permet à ses membres de se faire rembourser jusqu’à 80% des frais liés aux prestations de soin et à l’achat de médicaments. © Fabrice Mbonankira Solsoc 2025 (Burundi)
Des initiatives concrètes, comme les mutuelles de santé au Burundi
Des solutions existent. Dans plusieurs pays d’Afrique, des mutuelles de santé communautaires, soutenues par Solsoc et ses partenaires, permettent aux travailleur·euse·s de l’économie informelle d’accéder financièrement à des soins de santé. Elles fonctionnent sur des principes de solidarité, d’autogestion et d’implication citoyenne. Mais pour généraliser ces initiatives, un appui politique et financier est indispensable.
C’est notamment le cas au Burundi où le café est la principale ressource agricole. Pour défendre collectivement leurs intérêts, les caféiculteur·rice·s se sont regroupés en coopératives. Les membres de la coopérative ont également mis sur pied une mutuelle de santé communautaire. Cela a permis de répondre à un défi qui traversait la coopérative : lorsqu’un·e de ses membres tombait malade, toutes ses économies passaient souvent dans les frais médicaux. L’affiliation à une mutuelle de santé permet à ses membres de se faire rembourser une partie des frais liés aux prestations de soin et à l’achat des médicaments. Aujourd’hui, l’adhésion à la mutuelle permet ainsi aux caféiculteur·rice·s de limiter les coûts des soins de santé. Et avec l’accélération du changement climatique, cela devient essentiel, car la santé des Burundais·e·s est directement affectée par l’augmentation de cas de paludisme (dûe à la prolifération de moustiques dans les eaux stagnantes) et aux maladies liées à l’insécurité alimentaire (qui résultent de l’irrégularité des récoltes et des glissements de terrain engendrés par les pluies violentes).
L’action des mutuelles et des coopératives ne s’arrête pas là : ses membres s’organisent et mènent des actions collectives pour répondre aux défis liés au changement climatique. Dans les villages, ils creusent des puisards devant les mutuelles et les maisons des membres pour permettre aux pluies abondantes de mieux s’infiltrer dans le sol. Les paysan·ne·s sont aussi accompagnés au niveau de leur ménage, pour développer des techniques agricoles respectueuses de l’environnement et plus résilientes.
Mettre la solidarité au cœur des transitions
Face à l’urgence écologique, il ne suffit pas de décarboner l’économie. Il faut refonder le contrat social, en s’assurant que chaque personne, où qu’elle soit dans le monde, ait les moyens de traverser les bouleversements à venir. La transition ne sera juste que si elle est inclusive, participative et solidaire. Cela suppose de mettre la protection sociale au cœur des politiques climatiques, mais aussi de renforcer le rôle de la société civile, des mutuelles, des syndicats pour porter la parole des citoyen·ne·s.