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FEMMES ET SYNDICALISME EN BOLIVIE: LE CAS DES FABRILES

2 mars 2020

FEMMES ET SYNDICALISME EN BOLIVIE: LE CAS DES FABRILES

Solsoc a eu l’opportunité d’échanger avec trois représentantes d’organisations partenaires en Bolivie; Graciela López, coordinatrice du “Réseau bolivien des femmes transformant l’économie – REMTE”, Erika Avelo, secrétaire représentante du syndicat de la « Caisse Nationale de Santé » et Evelyn Córdova, secrétaire représentante des « Femmes et action sociale ».

L’univers des travailleuses du secteur ouvrier.

En Bolivie, les femmes ouvrières sont les plus touchées par la précarité de l’emploi, en effet, 75% des ouvrières d’usine n’ont pas signé de contrat. Par ailleurs, plus de la moitié des ouvrières boliviennes ont un ou plusieurs enfants et sont à la tête d’un foyer monoparental. La garde des proches dépendants (enfants, grands-parents, personnes handicapées, etc.) revient la plupart du temps aux femmes, ce qui les empêche de travailler autant d’heures que les hommes. Une différence qui se reflète aussi dans le montant de leur salaire. Par ailleurs, le manque de services de soins (peu de crèches, peu de foyers pour personnes âgées et handicapées) dans la société bolivienne et la réticence des hommes à partager les tâches domestiques sont les principales causes des différences entre les heures de travail rémunérées des hommes et des femmes.

C’est dans le secteur manufacturier qu’il y a le plus de discriminations de genre.

Les ouvrières du secteur manufacturier impliquées dans le programme de Solsoc et de son partenaire bolivien, REMTE, soulignent que le manque de connaissance et le non-respect des droits du travail (le droit à la promotion, à la syndicalisation,

à la maternité, à l’égalité des sexes, aux vacances, ou encore le droit de grève, etc.) sont parmi les principaux problèmes qu’elles rencontrent.  De plus, selon Graciela, « … Les cas de harcèlement sexuel de la part des employeurs sont de plus en plus fréquents et souvent connus, bien que cachés ou non dénoncés. En tant que réseau, REMTE a essayé de rédiger une loi contre les violences au travail et le harcèlement sexuel des travailleuses. Ce n’est que depuis 2013 que nous disposons d’une loi globale pour garantir aux femmes une vie sans violence, avec l’article 21 qui reconnaît que le harcèlement au travail est une forme de violence. »

« Dans l’imaginaire collectif, « si une femme défend un syndicat, cela signifie qu’elle a une relation avec un syndicaliste ». (Graciela López)

Historiquement, les organisations syndicales en Bolivie ont été dominées par les hommes. Dans le secteur ouvrier, un seul des 24 portefeuilles de la confédération nationale est occupé par une femme. En ce qui concerne la situation de l’engagement syndical, l’affiliation varierait entre 6 et 7% des travailleur·euse·s du pays. En l’absence de contrat de travail, les ouvrières n’adhèrent pas non plus à un syndicat, et cette faible syndicalisation indique également le manque d’action collective pour la défense de leurs droits. Dans ce même secteur, les cas de harcèlement politique par les syndicats sont détectés sous différents aspects. Graciela López illustre cela par le témoignage suivant d’une ouvrière: « J’ai été élue au poste de représentante de l’assurance maladie et lorsque je suis arrivée dans mon entité mère, on me dit que je ne pourrai pas assumer ce poste important car je n’avais pas assez de connaissances et qu’il était préférable que je ne m’occupe que des procès-verbaux. » La structure hiérarchique du syndicat est très verticale et lorsqu’un dirigeant sent que son pouvoir est menacé par une collègue qui se démarque, souvent, il la bloque.

Face au harcèlement tant professionnel que sexuel, Graciela López explique que l’organisation a amorcé une action avec le ministère du Travail afin de réviser la législation générale du travail et introduire la question du harcèlement. Mais il n’a pas encore été possible de réunir tous les secteurs pour réviser la loi. REMTE a également participé à la Conférence Internationale des 100 ans de l’OIT, au mois de juin dernier à Genève. Une nouvelle Convention (190) et une recommandation complémentaire pour « éliminer la violence et le harcèlement dans le monde du travail » ont été adoptées. La Bolivie a signé cette norme lors des 100 ans de l’OIT. Le programme de Solsoc avec ses partenaires REMTE et l’association civile AYNI a aussi permis de mettre en œuvre l’Ecole de Formation Syndicale Nationale, qui a pour objectif de former des membres de plusieurs fédérations syndicales, d’élaborer des propositions de réglementation qui respectent les droits des femmes, et d’interpeller les décideurs politiques.

Pour Evelyn Córdova et Erika Avelo, « Le syndicat est un espace à conquérir tant avec les femmes qu’avec les hommes. Mais il faut continuer de questionner ce modèle qui conduit à la discrimination des femmes et à leur exclusion des espaces représentatifs. Et pour cela, nous devons continuer d’impliquer les hommes dans les débats afin de construire un nouveau modèle syndical inclusif. »

 

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