De passage à Bruxelles, Libère Bukobero, Secrétaire Général de l’ONG burundaise ADISCO, nous a présenté le modèle de l’exploitation familiale intégrée (EFI), action soutenue par Solsoc qui fait la part belle au respect de l’environnement tout en améliorant les conditions de vies des ménages burundais.

La terre mise à mal par les pratiques agricoles

Au Burundi, les moyens d’existence de la population, majoritairement rurale, dépendent fortement de la terre. En effet, plus de 90% de la population vit de l’agriculture. La protection des ressources naturelles est donc une question très importante. De plus, le pays connait actuellement une démographie galopante, les ménages n’ont pas assez d’opportunités économiques et ne comptent que sur l’agriculture pour vivre.  La terre est donc surexploitée, la déforestation s’intensifie, les sources d’énergie s’épuisent. Tous ces effets sont aggravés par le changement climatique.

Survivre à n’importe quel prix  

Les mauvaises pratiques proviennent du fait que les ménages cherchent à survivre.  Ils choisissent par exemple de faire de l’extraction de moellon, de sable. Peu importe si ce type d’activité provoque la destruction de l’environnement.  Il y a aussi beaucoup de déforestation car le bois reste la principale source d’énergie pour la cuisine, le chauffage… De plus, on constate une grande utilisation de produits chimiques dans l’agriculture. En effet, la majeure partie des exploitations ne couvrent pas plus que 0,25 hectares, les ménages essayent donc de maximiser la production ; ils utilisent des engrais chimiques et des pesticides de manière excessive. Des produits nocifs dont ils ne connaissent même pas les effets. Par exemple les agriculteurs pulvérisent du dithane[1] sur les tomates, alors même qu’il s’agit d’un produit toxique. Les agriculteurs deviennent donc auteurs et victimes de cette destruction de l’environnement.

L’EFI : une solution globale à impact social et environnemental

Une EFI est une exploitation familiale intégrée. Il s’agit d’un mode de production qui s’oppose au modèle industriel. Au Burundi, la production agricole est majoritairement familiale. L’EFI est donc une approche qu’ADISCO utilise pour accompagner les ménages afin qu’ils produisent mieux et sainement. Nous essayons d’aider les ménages à satisfaire leurs besoins alimentaires et économiques. Cela passe par plusieurs choix. Le ménage doit choisir une culture permettant plusieurs récoltes par an telle que le bananier ou le caféier. Le ménage doit aussi pouvoir trouver de quoi manger dans son champ pour réduire ses achats dans les magasins. Ça peut être du lenga-lenga, du maïs... Aussi, il ne faut pas oublier que le ménage a besoin d’argent pour subvenir à ses besoins pour s’habiller, se faire soigner, scolariser ses enfants. ADISCO va donc l’aider à identifier les cultures qu’il pourrait vendre sur les marchés, telles que l’oignon, les épices, les fruits, le gingembre. Enfin, nous allons demander au ménage de prendre en compte l’environnement. Au Burundi, le paysage est montagneux, il y a des pentes, la terre est donc fortement exposée à l’érosion. ADISCO va inciter à mettre en place des dispositifs anti-érosion et à adopter des techniques d’agroforesterie. En effet cette pratique stabilise la terre tout en produisant du bois pour le chauffage, la cuisine, l’habitat…

L’agroécologie permet aussi d’utiliser des extraits des végétaux pour traiter les maladies et les ravageurs des cultures sans utiliser des pesticides. C’est donc une bonne chose pour l’environnement. Dans cette optique, le ménage est aussi encouragé à élever des animaux ; des chèvres, des moutons, des poules, des porcs, qui produiront du fumier organique. Cela afin d’augmenter la productivité de l’exploitation au fil des ans tout en préservant l’environnement.

Une approche « farmers to farmers »

Afin de permettre un passage à des pratiques plus respectueuses de l’environnement, ADISCO met en place des formations de proximité. Nous commençons par la formation psycho-humaine afin d’aider personnes à retrouver l’estime de soi, à se projeter de nouveau dans l’avenir et à valoriser le métier d’agriculteur. Nous choisissons ensuite des paysans qui peuvent en accompagner d’autres. Il s’agit de la formation de « paysans à paysans ». Nous réfléchissons ensemble afin de montrer la plus-value de pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement. Nous leur montrons qu’en adoptant ces gestes, leurs exploitations familiales vont durer dans le temps. Les gens commencent à comprendre, et se rendent compte qu’au final les produits chimiques coûtent chers, sont néfastes pour la santé et pour l’environnement. Ces prises de conscience vont permettre une diminution progressive de l’usage des engrais et des pesticides, jusqu’à leur abandon total.

Perspectives: une mise à l’échelle des bonnes pratiques

Nous n’avons pas terminé le travail auprès des ménages et des agriculteurs. L’accompagnement est un travail long et continu. ADISCO souhaite étendre le modèle des exploitations familiales intégrées à une échelle plus large. Pour cela, il faut mettre en place des structures durables comme les coopératives qui vont continuer l’accompagnement. J’espère qu’en mettant en place des visites de terrain, en collaborant avec d’autres organisations, nous pourrons toucher plus de monde. Nous travaillons d'ailleurs avec d’autres organisations burundaises. Si nous sommes plusieurs à appliquer cette approche, nous pourrons atteindre toute la population au Burundi. Cependant le changement de techniques ne suffit pas, il faut aussi un soutien politique. Il faut travailler avec les ministères, le gouvernement pour qu’ils fassent la promotion de ce modèle. Dans le cadre du partenariat avec Solsoc, ADISCO communique avec le ministère de l’agriculture et de l’élevage burundais afin que les EFI soient généralisées au niveau national.