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Burkina Faso : Étendre la protection sociale face à l'urgence climatique et sécuritaire

10 juillet 2025

Burkina Faso : Étendre la protection sociale face à l'urgence climatique et sécuritaire

Le Burkina Faso ne fait pas exception à la longue liste des pays qui subissent de plein fouet les effets du dérèglement climatique, et ce alors qu’il n’y a que très peu contribué. Après des décennies de sécheresse, la pluviométrie de plus en plus imprévisible au Sahel et l’augmentation des températures affectent gravement les récoltes. À cela s’ajoute un contexte de grave insécurité en raison de mouvements d’insurrection djihadistes et de tensions intercommunautaires. Ces différents facteurs ont entraîné un déplacement très important de population à travers différentes régions du pays. L’ONU a enregistré plus de 2 millions de personnes déplacées internes. Dans ce contexte[1], l’extension de la protection sociale pour permettre la résilience des burkinabè est véritable défi.

Retour sur un entretien mené avec Juliette Compaore, Secrétaire exécutive de l’organisation burkinabè ASMADE, partenaire de l’ONG Solsoc.

 

© Fabrice Mbonankira / Solsoc 2025 (Burundi)

Le défi du changement climatique

Juliette Compaoré : « L'industrialisation n'est pas très développée chez nous, mais les effets du dérèglement climatique sont palpables avec les inondations et des sécheresses. Aujourd’hui, des zones qui étaient encore il y a peu les greniers du pays n'ont plus de ressources. Le programme que nous mettons en œuvre porte sur le développement d’initiatives d'économie sociale et solidaire et sur la protection sociale via notre appui au développement des mutuelles de santé. Nous renforçons également l’approche mutualiste, et nous démontrons son articulation avec le changement climatique : une personne qui est en bonne santé peut travailler à développer des mécanismes et des moyens de production qui respectent l'environnement ».

 

Inclure les personnes déplacées : un défi pour la protection sociale

ASMADE travaille activement à l’extension de la protection sociale par le biais du développement des mutuelles communautaires et fait face à de nouveaux défis pour continuer à garantir l’inclusion dans le système des personnes déplacées. Juliette Compaoré revient sur cette problématique : « Il faut que l'État construise un mécanisme inclusif. Un mécanisme qui prend en compte ceux et celles qui peuvent cotiser, mais qui prévoit aussi l'accompagnement des personnes déplacées, qui ne peuvent plus travailler dans leurs champs et qui n’ont donc plus les moyens de contribuer. Nous devrions aussi développer des programmes de réinsertion, d'accompagnement économique pour que ces personnes puissent, dans la durabilité, bénéficier des services offerts par les mutuelles. Parce que même s’il existe une prise en charge de ces personnes, lors d’une crise aussi profonde que celle que nous vivons actuellement, s’il n’y a pas de stratégie pour accompagner les gens à reconstruire leur pouvoir économique, ils resteront dans la dépendance. Le problème qu’on rencontre c’est que les personnes sont souvent trop dignes pour oser se déclarer « personne indigente », un statut qui permet de bénéficier des services sociaux de façon permanente. »

© Fabrice Mbonankira / Solsoc 2025 (Burundi)

Renforcer les mutuelles de santé : un pilier pour une couverture universelle

« Ce qu'il faut, c'est que l'assurance maladie universelle se mette en place et que tous les leviers soient mis en place pour avoir réellement l'effectivité de l'universalité de l'assurance-maladie : que les personnes qui peuvent cotiser cotisent et que les personnes qui sont temporairement dans l'incapacité de cotiser bénéficient de mécanismes pour les couvrir. Parallèlement, nous devons veiller à ce que les personnes déplacées retrouvent leurs moyens de production pour redevenir autonomes et contribuables. L’assistance sociale reste un levier, mais l'assurance également. Le mécanisme national, tel qu'il se met en place, ne peut se déployer sur tout le territoire qu'en s'appuyant sur des acteurs de proximité, et les mutuelles sont des acteurs de proximité. Elles ont démontré leurs compétences dans le travail de veille, de redevabilité, mais aussi de communication. Pourtant, en situation d’urgence, les gens définissent d'autres priorités, alors que la protection sociale reste le mécanisme le plus puissant pour amortir les chocs.

Les mutuelles sont les premières structures alternatives de proximité et donc, nous demandons qu'il y ait plus de soutien pour qu'on puisse renforcer le travail des mutuelles, pour qu'elles aient une base plus large, pour qu'elles puissent communiquer davantage, et qu'elles puissent permettre à la personne qui est dans la zone la plus reculée d'être liée à un mécanisme de prise en charge. C'est à cette condition que l'assurance maladie pourra être effectivement universelle dans mon pays et répondre aux besoins de l'ensemble des populations ».

Juliette Compaore, Secrétaire exécutive de l’organisation burkinabè ASMADE, 2021

 

Cet article a été rédigé dans le cadre de la campagne « JUST » sur la transition juste, menée par FOS, IFSI et Solsoc. Plus d’infos sur la campagne sur le site www.justcampaign.be

 

 

 

 

 

 


[1] Selon l’UNHCR, on compte un million de personnes déplacées au Burkina Faso en raison de l’insécurité et du dérèglement climatique. https://www.unhcr.org/be/activites/changement-climatique-et-deplacements

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